Is intangible cultural heritage natural and environmental?
7th International Symposium of the ethnopole French Center for Intangible Cultural Heritage Maison des Cultures du Monde
As part of the 22nd Festival de l’Imaginaire
Tuesday 9 and Wednesday 10 October 2018
Vitré, Jacques-Duhamel Cultural Center (Mozart Auditorium)
With the support of the Ministry of Culture / General Directorate of Heritage and the City of Vitré
In collaboration with the Center Georges-Chevrier of the University of Bourgogne
The language will be french only (see below)
Le patrimoine culturel immatériel est-il naturel et environnemental?
7e colloque international de l’ethnopôle Centre français du patrimoine culturel immatériel Maison des Cultures du Monde
Dans le cadre du 22e Festival de l’Imaginaire
Mardi 9 et mercredi 10 octobre 2018
Vitré, Centre culturel Jacques-Duhamel (auditorium Mozart)
Avec le soutien du ministère de la Culture/direction générale des Patrimoines et de la Ville de Vitré
En collaboration avec le Centre Georges-Chevrier de l’université de Bourgogne
La Convention pour la protection du patrimoine naturel et culturel (Unesco 1972) a, comme sa dénomination l’indique, tenté d’emblée de penser le rapport patrimonial à la nature ou à l’environnement et s’est, au fil de sa mise en œuvre, attelée à questionner le couple nature- culture, comme en témoignent l’invention de la catégorie hybride de «paysage culturel» et, plus récemment, la fusion dans un même répertoire des critères d’éligibilité à l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial. La concomitance de sa création avec le premier « Sommet de la Terre » (Stockholm 1972) comme avec le développement d’administrations étatiques consacrées à l’environnement montre que la nature est constituée en problème public, auquel les institutions de gouvernance, nationales comme internationales, sont conviées à apporter des solutions, et que le patrimoine est l’une d’elles – dans la continuité de réflexions inaugurées dès le 19e siècle. On peut dire que l’histoire de l’action patrimoniale de l’Unesco, des débats, préconisations et décisions qui scandent le fonctionnement de la Convention de 1972 à ceux qui annoncent, préfigurent, expérimentent et contribuent à écrire la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en 2003, est tout entière rythmée par la montée en puissance (en débats, en déclarations, en programmes) de préoccupations censément convergentes, déployées sur la scène internationale, sur l’état de la Terre, sur les manières davantage précautionneuses de l’habiter, sur la conception d’un développement défini à cet effet comme durable et sur l’articulation de la diversité culturelle et de la biodiversité : rapport Brundtland (Notre avenir à tous, 1987), Sommet de la Terre à Rio (1992), Convention sur la diversité biologique (1992), Agenda 21 (1992), rapport Perez de Cuellar (Notre diversité créatrice, 1996), Déclaration universelle sur la diversité culturelle (Paris, 2001), Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg (2002), etc.
Nul doute que la Convention de 2003 a été imprégnée de ces préoccupations, d’autant qu’elle repose entièrement sur la conception anthropologique de la culture. Ceci étant la condition de cela : le patrimoine devient alors vivant et s’ouvre ainsi la possibilité que, d’un vivant à l’autre, s’articulent de manière plus ferme et plus intriquée le naturel et le culturel. On pourra ainsi dire que le patrimoine culturel immatériel, déclaré « creuset de la diversité culturelle et garant du développement durable », est également naturel et environnemental au regard d’un certain nombre d’idées force qui irriguent la convention, idées communément partagées et qui seront réaffirmées et actualisées dans ses Directives opérationnelles :
– la diversité des pratiques et des expressions qu’elle promeut peut être envisagée comme autant de réponses des individus et des groupes à leur milieu naturel, en constante adaptation aux changements de ce dernier ;
– les activités traditionnelles relevant du PCI offrent un cadre à une gestion différente des ressources naturelles, i.e. qui prend le contrepied de l’extractivisme capitaliste et des dévastations que celui-ci occasionne ;
– la transmission des connaissances et des pratiques permettant de préserver les systèmes de vie des communautés et la biodiversité – a contrario, l’abandon des activités traditionnelles et de leur système de valeurs est vu comme ayant un impact négatif sur l’environnement ;
– après que l’accent a été mis sur les effets négatifs de la mondialisation, le dérèglement climatique et les crises environnementales qui en résultent sont considérés comme menaçant directement la sauvegarde et la transmission du patrimoine immatériel, notamment en ce qu’ils induisent des déplacements de populations.
Il reste cependant que l’on ne peut pas ne pas prendre en compte une nouvelle concomitance: la catégorie de PCI a été élaborée à un moment où la conscience de la dévastation et de la transformation irréversible des conditions de vie des humains a été formalisée dans un nom d’époque, l’Anthropocène, et s’est faite de plus en plus vive et alarmée, conscience qui a conduit à remettre en question sinon à périmer la notion de développement durable. En d’autres termes, le socle de problématique sur lequel s’est construite la nouvelle catégorie vole en éclat devant les urgences du temps et devant la difficulté des politiques publiques à y répondre. Ne constate-t-on pas la montée en puissance, tel un nouveau mantra, de la notion politique de « transition socio-écologique », censée redorer l’idée de développement ? Ne constate-t-on pas symétriquement une floraison d’initiatives citoyennes ou radicales qui résistent aux aménagements imposés, inventent de nouveaux modes de vie et d’habiter, et constituent autant de propositions de résilience face à la menace de l’effondrement? N’entend-on pas, venant des pays du Sud, des voix de communautés qui, se démarquant de l’ontologie naturaliste occidentale, s’élèvent pour faire valoir leurs propres façons de s’inscrire dans un environnement, de considérer et de cohabiter avec tous les différents existants?
Enfin, n’assiste-t-on pas, parallèlement, à la recomposition de sciences – écologie, anthropologie, géographie, histoire environnementale, droit de l’environnement, etc. – dans des humanités environnementales qui, s’hybridant, s’attèlent à de nouvelles attentions, à de nouvelles problématisations, à de nouvelles rationalités, et, partant, réévaluent les notions de nature et d’environnement?
Ce colloque entend finalement prendre la mesure de l’opérativité de la catégorie de PCI devant cette nouvelle donne. Il ne s’agit plus d’en évaluer le bien-fondé au regard des intentions de ses inventeurs, mais d’interroger sa capacité à répondre aujourd’hui aux enjeux de notre siècle et de prendre la mesure des réponses qu’elle est susceptible d’apporter en pratique. En offrant une reconnaissance internationale aux connaissances et aux savoir-faire des communautés, fondée sur la participation et le partage des expertises, la convention ouvre-t-elle de nouveaux espaces de négociation? Le PCI apparaît de plus en plus mobilisé par différents acteurs, avec des usages divers, parfois en conflit avec les législations nationales : peut-il offrir l’opportunité de renouveler le discours et l’action écologiques, en reposant la question des responsabilités ? Certaines pratiques, telles que des techniques cynégétiques et halieutiques, peuvent durcir l’opposition nature-culture : jusqu’à quel point le PCI peut il contribuer à résoudre de tels conflits ? Le PCI est une catégorie occidentale, mais irriguée par de multiples sources : celle-ci est-elle adaptée à la conception d’une « nature dénaturalisée», à celle de l’environnement comme réalité intérieure et relative à une interaction avec un organisme? Autant de questions que ces rencontres se proposent d’aborder en faisant dialoguer expériences concrètes de praticiens et d’acteurs culturels et analyses de chercheurs du monde académique.